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L'improbable réélection de Frédéric Fleury

Frédéric Fleury et Hamda Ben Hadid, élus en 2016 à la tête de l’Université, ont été reconduits fin 2020 pour quatre nouvelles années. Pourtant, leur projet était clair : obtenir le label IDEX à tout prix [...] Lorsque le 28 octobre 2020 l’IDEX s’est effondré, nous sommes beaucoup à avoir pensé que c’était la fin du règne - et que le projet alternatif porté par Bruno Lina devenait, dans ce contexte, providentiel. Et pourtant…

Frédéric Fleury et Hamda Ben Hadid, élus en 2016 à la tête de l’Université, ont été reconduits fin 2020 pour quatre nouvelles années. Pourtant, leur projet était clair : obtenir le label IDEX à tout prix ; et cela passait à l’époque par la constitution d’un établissement phare par regroupement de plusieurs universités et écoles. Combien de fois ont-ils rappelé que leur mandat était intimement lié à la réussite de ce projet ? Pendant quatre ans, ils ont été critiqués sur leurs méthodes de management « descendant » et sur les décisions cruciales prises à LYON 1, jugées autoritaires par beaucoup, et qui marquent aujourd’hui notre université. Sans cesse, ils se sont justifiés par « l’intérêt supérieur de l’Université », à savoir l’objectif unique de la création de l’Université Cible. Et après, on verrait bien… Lorsque le 28 octobre 2020 l’IDEX s’est effondré, nous sommes beaucoup à avoir pensé que c’était la fin du règne – et que le projet alternatif porté par Bruno Lina devenait, dans ce contexte, providentiel. Et pourtant…

Parce qu’il faut bien passer à autre chose et se concentrer sur la suite, retraçons (pour ne pas perdre la mémoire !) une séquence de presque une année, pleine de rebondissements et illustrant le joyeux petit monde de la « démocratie » universitaire.

6 Février 2020. Des élections générales sont organisées à LYON 1, car le mandat de Frédéric Fleury, du CA, du CAc et de toutes les personnes Vice-Présidentes et Vice-présidentes déléguées prennent fin le 8 mars 2021, comme le prévoit la loi (quatre ans après le 8 mars 2016 de l’élection de F. Fleury). La campagne électorale, organisée par l’équipe sortante, est réduite à son minimum. Le projet alternatif porté par Bruno Lina n’est pas en position de force pour passer ses messages dans cette fenêtre bien trop réduite. La garde rapprochée de F. Fleury et H. Ben Hadid martèle inlassablement le même message, en deux points : 1) si Bruno Lina est élu, ce sera l’échec de l’IDEX à Lyon et 2) cette élection n’est que pour quelques semaines, puisque la fusion sera votée à la mi-avril 2020. On peut apprécier – avec maintenant le recul suffisant – la grande clairvoyance de ces deux affirmations ! Pourtant, elles ont gangréné les débats et leur influence a été déterminante, en particulier sur le collège des professeurs plus sensible à la menace concernant l’IDEX.

Malgré ces handicaps, créant la surprise, le projet porté par Bruno Lina obtient dès février 2020 la majorité des suffrages chez les enseignants-chercheurs et assimilés (52,4%), et la liste arrive en tête dans le collège BIATSS (29%, sur six listes !). Le message est très clair et la défiance envers l’équipe sortante est très forte, même dans l’incertitude entretenue sur l’avenir de LYON 1. Mais les règles électorales sont ainsi faites que, parmi les élus du CA, les forces sont équilibrées et le nom du prochain président est encore incertain. L’imminence du vote sur la fusion des établissements pèse encore énormément sur les échanges en vue de l’élection du président prévue le 9 mars 2020…

Premier chamboulement : annulation du scrutin usagers. Quelques semaines après le scrutin du 6 février, la commission des affaires électorales du rectorat annule le scrutin usager (pour une erreur grossière de LYON 1 sur l’impression des bulletins). Un nouveau vote est planifié le 26 mars, pour une élection du président repoussée au 10 avril 2020… Pendant un mois, Lyon 1 devra être sans président : le recteur publie alors un arrêté nommant temporairement F. Fleury « administrateur provisoire de l’université » ; en charge en particulier d’organiser les élections étudiantes, de présider le CA… et le CAc. Car mis à part le président, aucun VP ou VP délégué n’est mentionné dans la décision du recteur : ils ne doivent plus être aux commandes.

Deuxième chamboulement, la COVID-19 ! 17 mars 2020. La France entre en confinement. Comme c’est le premier, plus rien ne fonctionne ! Les élections étudiantes sont annulées, le vote de la fusion des cinq établissements dans une « université cible » prévu en avril est annulé, et bien sûr la désignation du président de LYON 1 est reportée.

Le 23 mars 2020, la loi sur l’urgence sanitaire prolonge les mandats dans les universités, lorsque ces mandats arrivent à échéance après le 15 mars. Manque de chance, à LYON 1 les mandats se sont terminés le 8 mars, c’est le flou juridique total mais cela n’encombre pas Frédéric Fleury qui va malgré tout piloter l’université jusqu’à la fin de l’année 2020, toujours en binôme avec Hamda Ben Hadid, qui a continué à occuper la fonction de président du CAc pendant neuf mois sans aucune base légale…

Troisième chamboulement : le projet d’université cible vacille… Ces contre-temps ont pour effet de voir naître à partir de juin 2020 une contestation jusqu’ici silencieuse – ou inaudible – sur le théâtre Stéphanois. Ce n’est pas le premier revers que subit ce projet : rappelons qu’après une promesse faite de la fusion de onze établissements publics pour obtenir le label IDEX, le retrait de l’Ecole Centrale, puis l’éviction de Lyon 2 et le retentissant refus de l’INSA constituaient autant de révélateurs des faiblesses de la méthode utilisée, consistant principalement à mettre sous le tapis les sujets difficiles et à remplacer une véritable co-construction par des campagnes de communication vides de sens.  
Au moment du “doute” venu de Saint-Etienne, il n’y a déjà plus que quatre établissements dans l’aventure. D’abord des voix politiques s’élèvent, puis celles d’universitaires – et finalement c’est la majorité de l’équipe présidentielle de l’université Jean Monnet qui conteste le principe de perte de personnalité morale de l’établissement. Finalement, le CA de l’université Jean Monnet refuse la fusion ; c’est la “goutte d’eau” pour le ministère qui annonce l’arrêt définitif de l’IDEX à la fin octobre 2020. Le grand projet sur lequel Frédéric Fleury a basé à la fois son premier mandat et l’ensemble de sa campagne électorale est un échec total, et laisse derrière lui une place universitaire lyonnaise meurtrie par les bagarres incessantes.

Mais il n’en reste pas moins qu’à LYON 1, il faut terminer le processus électoral ! Le seul et unique argument de l’équipe sortante s’étant effondré, il faut bien avouer que les soutiens de Bruno Lina comptaient sur un nécessaire changement de cap pour un nouveau départ du site Lyon – Saint Etienne. Les contacts politiques étaient bons et le constat d’échec du tandem Fleury / Ben Hadid de plus en plus partagé – sans oublier la conviction d’un très grand nombre de personnels que l’équipe sortante s’était isolée dans sa routine, sans aucune écoute des difficultés et projets du terrain, et comblant l’absence de dialogue par un management de plus en plus autoritaire. Les bases sur lesquelles les élections de février se sont faites étant totalement obsolètes, on peut très sincèrement regretter que l’ensemble du processus, n’ayant jamais abouti au bout de huit mois, n’ait pas tout simplement été réinitialisé en novembre pour assainir la situation. Probablement que l’administrateur provisoire Fleury avait déjà fait ses comptes et obtenu ses promesses de soutien…

Quoi qu’il en soit, le 27 novembre 2020, le « nouveau » CA enfin complet avec les étudiants fraîchement élus est convoqué pour désigner les cinq personnalités extérieures qui viendront s’ajouter aux 23 membres déjà présents pour désigner le président. Il faut douze voix en sa faveur pour qu’une personnalité extérieure soit désignée : c’est exactement le nombre de suffrages qu’obtiendront les cinq personnalités extérieures proposées par F. Fleury. Les personnalités extérieures proposées par Bruno Lina obtiennent toutes huit voix. Trois personnes ont voté blanc – plus rien ne pourra arrêter le renouvellement de Frédéric Fleury (élu le 1er décembre 2020 mais cette dernière étape est une simple formalité).

Que s’est-il passé ? Le vote était à bulletin secret, mais l’exercice de politique fiction n’est pas bien compliqué. D’une part, les propres membres des listes de Bruno Lina sont déjà sept parmi les élus ; auquel il faut ajouter la voix unique de l’alliance des trois syndicats CGT/SUD/FSU qui ont publiquement annoncé leur vote en défaveur de la liste Fleury (et expliqué leurs motivations). Voilà pour les huit votes « Bruno Lina ». Les abstentions sont faciles à connaître, puisque le représentant du CNRS s’est fendu d’une déclaration liminaire qui expliquait son vote blanc à venir… très probablement suivi par les deux représentants de la Métropole et de la Région. Ne pas apporter leur soutien au président sortant était d’ailleurs un message extrêmement clair (pour qui sait lire les messages) dans le contexte de la perte du label IDEX.

Ainsi, tout laisse à penser que les douze élus ayant œuvré pour le maintien de l’équipe en place sont les six élus des listes Fleury, deux élus BIATSS dont le représentant du syndicat « SNPTES » (qui est un membre de l’équipe présidentielle sortante), et surtout les quatre élus étudiants tous issus de la liste GAELIS – affiliée à la FAGE. Et dont le chef de file – le désormais VP étudiant du CA et ex-VP étudiant CFVU – s’apprête à soutenir une thèse sous la direction de … Hamda Ben Hadid (1).  

Ainsi, en présence de deux camps à égalité parmi les élus du personnel, dans un contexte de grande défiance d’une partie de la communauté face à l’équipe sortante, après l’effondrement du projet IDEX, les étudiants auraient aussi pu partager leurs voix ou rester neutres comme ils le font sur d’autres sites, jouer la carte du renouvellement comme à LYON 3, mais ils ont fait le choix de la reconduction, ce qui est certes leur droit. Pourtant, les questions que nous jugeons importantes pour l’avenir des étudiants sont nombreuses ! Le rôle primordial du VP formation et vie universitaire ne devrait-il pas être assumé par quelqu’un de beaucoup plus actif qu’il n’a été ces dernières années ? Que fait-on pour reconstruire le secteur sciences de l’université ? Le projet de la COMUE “cursus+” atteint-il bien sa cible à LYON1 ? Ou encore, pourquoi l’université n’a-t-elle toujours pas produit le moindre cadrage pour préparer sa nouvelle accréditation de son offre de formation (et ne l’a toujours pas fait à l’heure où l’on écrit ces lignes, une dizaine de jours avant la date limite du 31 mars 2021 de remontée au Hcéres) ?  

Chacun pensera ce qu’il voudra au sujet de tous ces votes inexpliqués et mal assumés. Pour beaucoup, la déception a été à la hauteur de l’espoir suscité par la candidature de Bruno Lina – mais cette séquence est derrière nous. S’ouvre maintenant le temps, d’une part, de la vigilance démocratique (trop de choses, parfois graves, sont à dénoncer dans les fonctionnements et nous allons le faire dorénavant, tout doit sortir de l’ombre !) mais aussi du travail d’information et de participation constructive pour la collectivité, au sein des Conseils et au travers des échanges que nous aurons avec le plus grand nombre, pour imaginer et bâtir un avenir pour LYON 1. 

 
(1) http://www.theses.fr/s200835
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