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Encore raté !

Et pourtant cette fois-ci, l’Université LYON1 et son « LYNX » possédait toutes les chances de remporter son premier vrai succès au PIA. Malheureusement, et malgré la confiance affichée par son porteur, c’est une nouvelle déception qui voit les autres établissements se tailler la part du… lion.

Encore Raté !

 

Et pourtant cette fois-ci, l’Université LYON1 et son « LYNX » possédait toutes les chances de remporter son premier vrai succès au PIA. Malheureusement, et malgré la confiance affichée par son porteur, c’est une nouvelle déception qui voit les autres établissements se tailler la part du… lion.

Tout d’abord, un petit rappel de ce que sont les programmes ExcellenceS soutenus par le PIA 4 (https://anr.fr/fr/detail/call/excellences-sous-toutes-ses-formes-excellences-appel-a-projets-2021/).

Il s’agit de projets qui doivent « traduire une véritable politique globale de l’établissement pour le site ; transformer profondément l’établissement ; servir une ambition d’excellence dans son ou ses domaine(s) d’expertise et d’exercice ». Pour cela, 800 M€, échelonnés en trois vagues seront distribués dont la moitié sera consacrée aux projets portés par des établissements qui ne sont pas parties prenantes d’une initiative d’excellence labellisée IdEx ou ISITE. En d’autres termes, les établissements comme notre Université, qui avait déjà échoué à l’IdEx (PIA3) en 2020, concourent à hauteur d’environ 400 M€ en proposant un projet ambitieux dans son ou ses domaine(s) d’expertises.

Résultats pour cette première vague : 35 projets ont été déposés et évalués par un jury international. Parmi ces 35, 9 ont été auditionnés, et finalement 15 ont été retenus par un comité des écosystèmes d’enseignement, de recherche et d’innovation. A posteriori, on réalise maintenant combien il aurait été préférable de faire partie de ces 9 projets auditionnés !

Le rapport d’évaluation du projet LYNX porté par LYON1 (en copie de ce message), transmis par l’ANR à la gouvernance en date du 30 novembre 2021 apporte un certain nombre d’éléments et explique les raisons de cet échec.

 

  • « The program is very broad and does not make choices. It is difficult to excel in everything »

Au-delà de son caractère un peu moqueur qui souligne le manque d’humilité du projet LYNX, ce premier argument cache en réalité un problème de fond, conséquent et éludé depuis de nombreuses années. En effet, pour répondre aux AAP d’envergure nationale voire internationale, il est important pour chaque institution de maîtriser sa politique scientifique long-termiste basée sur des données robustes et indiscutables, des indicateurs représentatifs des performances de ses activités de recherche.

Utiliser le seul classement de Shanghai « ad nauseam » est souvent contre-productif car notre réflexion s’en trouve figée autour de vastes champs disciplinaires qui moyennent les réels potentiels de sous-domaines plus thématiques. Cela peut même, dans une certaine mesure, sous-performer les activités de niche émergentes et n’invite pas à surperformer celles considérées, parfois à tort, comme déjà efficientes car historiques.
En d’autres termes, il est fondamental de reconsidérer objectivement la force de frappe scientifique de LYON1 pour mieux s’adapter aux exigences des AAP. C’est un travail considérable qui devrait être régulièrement mis à jour pour tenir compte d’une recherche en permanente évolution. L’absence de ce travail préliminaire explique en grande partie la faiblesse du niveau scientifique du projet IdEx échoué et l’approche thématique trop large du projet LYNX.

Il nous semble que les nouvelles orientations plus « thématiques » de la recherche nationale se dessinent clairement autour des grands enjeux sociétaux.

Ce nouveau paradigme, qui voit les différents domaines disciplinaires laisser place progressivement à des thématiques plus ciblées, de natures très diverses, construites sur une approche systémique, fait partie intégrante des réflexions de nos décideurs politiques, mais semble incompris de notre gouvernance.

D’ailleurs d’autres AAP tels que les PEPR, qu’ils soient stratégiques ou exploratoires, sont en cela d’excellents révélateurs de cette pensée. Même si cette dernière n’est pas parfaite, elle trace un nouveau cap et représente pour nous une chance de travailler plus transversalement en intégrant des concepts que nos disciplines historiques seules ne peuvent appréhender.

C’est pour nous un tournant important qu’il faudra prendre à un moment ou à un autre… et le plus tôt serait le mieux.

On peut citer Charles DARWIN : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. » Notre LYNX, avec sa « vision » extraordinaire, n’aura donc pas survécu à cette première étape de l’évolution scientifique requise par notre société moderne.

 

  • « Above all, the amount requested for the project far surpasses the possible EXCELLENCES allocation and staff cost requested is excessive, in view of the amount of already existing human resources »

Nous avions alerté la gouvernance sur la somme exorbitante qui avait été demandée dans ce projet LYNX (145 M€), soit à lui seul, plus du tiers de l’enveloppe disponible. Mais alors, on nous avait expliqué que nous ne comprenions rien, LYON1, au vu de son rayonnement et de son positionnement national (seule Université non-labellisée IDEX dans l’U10, association qui rassemble les 10 meilleures Universités de France) mérite incontestablement de s’approprier un financement à la hauteur de ses ambitions légitimes. Combien de fois avons-nous entendu ce discours qui manque singulièrement d’humilité et surtout de réalisme quant à l’image que nous véhiculons depuis des années dans les couloirs ministériels, au CNRS et au sein d’autres organes décisionnaires.

Si 400 M€ représentent une belle somme compte tenu de la transformation attendue à l’échelle d’un établissement et/ou d’un site, il faut considérer, d’une part, que cette enveloppe globale se répartie sur 3 vagues et que, d’autre part, la concurrence demeure forte avec des établissements importants placés dans une situation identique à celle de LYON1.

Même si prédire l’enveloppe idéale d’un projet, dans un contexte national où rien n’est financièrement précisé (hormis la somme minimale de 5 M€), est un exercice périlleux, il n’était pas impossible de « sentir » qu’un projet budgétisé à plus de 100 M€ aurait de grandes difficultés à être soutenu dans son intégralité.

S’il est communément admis que le LYNX possède une excellente vue, on peut légitimement douter de son odorat.

 

  • « The procedure to establish this EPE will involve all employees and students of UCBL and its partner institutions and will adopt a participatory approach. This is concerning, as this inclusive way of proceeding runs the risk again of derailment ». In addition, it is disconcerting that at this stage only CPE Lyon seems to be firmly committed to join UCBL in the new structure and that the whole process is still fraught with uncertainty.

Cette remarque met le doigt sur la structuration du projet qui avait au moins pour vertu d’essayer de faire travailler un ensemble important (CPE, INSA, Centrale, LYON1 etc…) d’établissements, un peu sur le même modèle que le projet IDEX en 2020. On peut d’ailleurs se demander si la volonté première du porteur n’a pas été à l’origine motivée par un besoin frénétique d’effacer son échec à l’IDEX dont il ne détenait sans doute pas toutes les cartes. C’est bien compréhensible mais il convient de garder raison quand on doit assumer une telle responsabilité. Le porteur aurait été bien avisé de se renseigner sur les réels objectifs de ce PIA 4 qui devait logiquement, à minima, se différencier du PIA 3.

La mise en place d’un établissement expérimental (EPE) avec pour seul partenaire, véritablement engagé CPE, semble un peu artificiel compte tenu de l’environnement et de la présence d’écoles d’ingénieurs telles que l’INSA et Centrale. Ce projet pouvait donc apparaître comme déséquilibré, empreint d’incertitudes et cela n’a pas échappé au comité.

L’approche participative est aussi largement critiquée et peut inquiéter. Elle consiste, rappelons-le, pour les personnes en charge de résoudre un problème ou de concevoir quelque chose, à impliquer dans leur démarche les acteurs directement concernés par le résultat de leurs travaux. Les dérives sont possibles. Cette manière de travailler « faussement » inclusive a été souligné par le jury (« risque encore une fois de dérailler ») car elle ressemble davantage à une construction en « Happy Few », celle-là même, qui est pratiquée à LYON1 et que nous critiquons depuis quelques années maintenant.

 

  • Organizational structure remains vague and does not seem to include a proportion of external personalities (private & public sectors) at a significant decision-making level.

Non sans rapports avec les commentaires précédents, une organisation structurelle vague est montrée du doigt une nouvelle fois, comme ce fût le cas du projet IdEx. On ne reprend pas tout à fait les mêmes mais on recommence…

Il a toujours été formellement recommandé de faire appel à des personnalités extérieures pour participer aux prises de décisions stratégiques. C’est un point capital, car il est important de solliciter le regard extérieur par nature indépendant et moins tolérant. Mais admettre cela, c’est aussi supporter de perdre un peu de son « pouvoir » au profit de personnes par essence incontrôlable et peu enclin à suivre la ligne directrice qui, par ailleurs, est de plus en plus contestée. C’est regrettable car ce serait une chance formidable de rassembler autour de ce projet des personnes représentantes du monde socio-économique influentes et capables d’apporter une autre vision, incontestablement plus affutée que celle d’un LYNX mort-né.

 

  • Overall, teaching is only marginally considered.

Les étudiants apprécieront cette dernière remarque. Il est vraiment surprenant que l’enseignement et/ou la formation n’ait pas trouvé une place au moins équivalente à celle de la recherche dans ce projet LYNX. Nous savons tous qu’il est fondamental pour nos établissements de travailler efficacement au continuum enseignement-recherche-innovation. Il était donc important d’intégrer cette donnée comme la pierre angulaire de la construction du projet.

De plus, dès l’ouverture de l’AAP, il avait été précisé que le comité d’évaluation serait composé de personnalités représentantes des écosystèmes d’enseignement, de recherche et d’innovation. On ne pouvait donc pas, stratégiquement, faire l’impasse d’un seul de ces 3 piliers et il aurait été même avisé que chaque élément constitutif du projet aborde ces 3 domaines dans des proportions à peu près équivalentes.

 

Que conclure de ce nouvel échec ?

Nous avons essayé dans cet article d’expliquer pourquoi ce projet, que nous avons soutenu au CA pour ne pas l’affaiblir davantage, a échoué. Il ne faut pas considérer que tout est à jeter dans le projet LYNX et que ces expériences/échecs à répétition soient inutile. Mais que l’on en soit encore en 2021-2022 à l’étape de la mise en place des consensus entre établissements pour pouvoir candidater sur les différents appels à projets du PIA4 est assez révélateur du retard considérable que nous avons pris par rapport aux autres établissements labellisés IDEX ou i-SITE.

En réalité, nous pensons que c’est avant tout un problème de méthode de travail. Celle-là même que nous ne cessons de décrier depuis des années. L’approche TOP-DOWN, qui pourrait changer pour travailler sur le PIA4 à venir, montre clairement ses limites : l’urgence permanente (combinée à une construction en happy few) qui est exigée depuis le début de cette aventure PIA et justifiée par un intérêt suprême peu lisible décourage les plus volontaires et ne donne aucun résultat positif.

Il faut prendre conscience que l’image calamiteuse véhiculée par LYON1 depuis 10 ans a généré auprès de nos partenaires une défiance qui met systématiquement en difficulté (voire en danger) nos projets parfois avant même d’être expertisés. Notre Université est train progressivement de s’isoler à l’intérieur même d’un des sites les plus complexes et les plus riches de France… site qui commence à se structurer… sans nous.